Ce mardi après-midi la flotte de La Solitaire du Figaro Paprec a entamé la deuxième partie de son parcours au départ de Kinsale, en Irlande. À l’aube de cette nouvelle journée de course, le phare de Chicken Rock a été le théâtre d’un terrible passage à niveau, qui menace de peser lourd dans la balance du dénouement final de cette 54e édition. Les sept heures séparant, entre 4h49 et 11h50, le premier Hugo Dhallenne (YC de Saint-Lunaire) et Piers Copham (Voile des Anges), le dernier à saluer l’île de Man, illustre ce qui s’est joué au pied de rocher dans le nord de la mer d’Irlande.
Des courants, un scénario renversant
Mais au-delà du retard cumulé par le sémillant doyen de la flotte, ce sont les débours enregistrés par des favoris, des Figaristes émérites, qui depuis la première de nuit, ont vu, impuissants, un petit groupe d’échappés prendre la poudre d’escampette et creuser leur avance. La faute aux courants et aux effets de sites le long des côtes qui ont favorisé ce scénario renversant.
Cet après-midi, il est temps d’encaisser, de digérer… Et de se re-mobiliser. Il reste environ la moitié du parcours des 570 milles à parcourir, via le canal Saint-Georges et une ultime traversée de la Manche, avant des premières arrivées, estimées à partir de jeudi 17h30 en Baie de Morlaix. Dans un contexte incertain, avec une zone sans vent annoncée à traverser devant, la jeu reste grand ouvert à l’entame de l’épisode 2 de l’étape 2.
Les mots à la VHF. 🎙
Loïs Berrehar (Skipper Macif 2022) : « Réussir à être rusé »
« Il n’y pas beaucoup vent, ça mollit. Je ne me faisais pas une idée de la mer d’Irlande comme ça. Pour faire du tourisme, c’est plutôt sympa ; pour faire de la voile, un peu moins. La situation (avec les retards, ndlr) n’est pas l’idéal. Je n’ai pas encore tout compris, comment on a fait pour prendre aussi cher, mais bon c’est comme ça. Il a quand même fallu se faire assez vite à l’idée, puisque cela fait à peu près 24 heures. Et maintenant, on attend notre heure pour revenir et faire les renards à nouveau ! Devant, il y a une dorsale qui va nous passer dessus. Il va falloir déjà, que les premiers ralentissent, qu’on arrive avec le vent ; et ensuite qu’on les double. La stratégie, c’est d’être à l’affût et de réussir à être rusé ! (…) Il va falloir ne pas faire de folie ; et être opportuniste. »
Corentin Horeau (Banque Populaire) : « Essayer de rester fort »
« On a eu le temps de digérer un peu le classement, parce que, ça s’est fait assez vite. Il y a encore du jeu, il faut espérer qu’il reste des choses à faire. Mais là déjà, je commence à apercevoir des bateaux devant, ça veut dire qu’on est peut-être en train de resserrer un peu. C’était bien démoralisant la première nuit, et au premier matin, on a pris 10 milles, puis 15 et ça s’est transformé en 30 à Chicken Rock. Faut essayer de rester fort. Là, j’ai un petit groupe avec moi, donc ça va. Cela permet d’avoir des adversaires pour essayer de se comparer (…) Ah oui, ça c’est sûr, j’ai bien dormi, bien mangé. Cette nuit au près, avec les 20 milles de retard, je me suis vengé sur l’assiette. C’est plutôt bien pour attaquer la suite. Mais pour le reste, je n’ai pas beaucoup de nourriture, parce que j’avais décidé de partir léger, vu que c’est une étape de molle. Je ne dois pas me rationner , mais il faut bien comptabiliser et calculer les jours qu’il nous reste. Cela peut être assez long, j’ai des routages qui nous font arriver jeudi soir.»
Romain Le Gall (Centre excellence voile - Secours populaire 17) : « Loin d’être fini »
« C’est bien calme en ce moment, mais vu les écarts qu’on a, c’est un peu le prix à payer pour pouvoir revenir. C’est sympa d’être là, avec des bateaux autour, ça tire vers le haut pour rester dans le match. J’ai réussi à dormir un peu cette nuit, mais j’ai dû plonger à Chicken Rock, parce que j’avais un filet dans la quille. C’était mon petit réveil matinal. Il reste pas mal de coups à jouer. Ils annoncent une petite molle devant, on voit que les bateaux commencent à empanner. Et ensuite, on va avoir un peu de près. C’est loin d’être fini. Il reste encore de la route et des coups à faire. »
Élodie Bonafous (Quéguiner - La vie en Rose) : « Cela se joue dans la tête »
« Je n’aime pas trop ce genre de conditions, mais quand on voit des bateaux ré-apparaître devant on se dit que ce n’est pas si mal. J’ai plutôt la forme et ce matin, je me suis consolée, en me disant que j’étais la première à voir Chicken Rock de jour, et c’était très joli. Tout va bien et je ne lâche pas le morceau. À chaque classement, j’espère entendre mieux, mais pour l’instant, non ! Je me dis qu’on a fait que la moitié et je ne me laisse pas du tout abattre. Il reste encore une course à faire devant, donc ça va. Il reste toujours des opportunités à saisir. La météo sur la fin devrait être un peu capricieuse (…) Je souviens de ma première Solitaire ; à un moment donné, j’avais quand même 50 milles de retard, et j’ai quand même réussi à finir avec le paquet. Roland (Jourdain, skipper du bateau Direction de Course, ndlr) nous a aussi donné une référence lors de la première nuit, en nous disant qu’il avait aussi pris un sacré retard sur une étape au départ d’Irlande. Et qu’au final il étai revenu devant. Rien n’est fini, cela se joue dans la tête ! »