Les marins ont cette faculté à masquer la dureté des navigations. Ils en tirent une expérience constructive, qui permet de sortir plus grand et mieux armés pour les prochaines courses. Lors de la troisième étape, les 31 concurrents encore en course ont vécu une expérience hors du commun, mais pour laquelle ils se sont préparés. Des gestes précis, de l’anticipation, de la maîtrise et du bon sens sont ces clés qui permettent de faire face aux éléments et de les dompter pour franchir cet obstacle naturel. Avec près de trois mètres de creux sur une mer courte et déferlante, des vents de plus de 35 nœuds, voire 40 dans les rafales, le matériel souffre, les voiles cèdent et se déchirent, les bateaux subissent et les solitaires encaissent. Ces quelques récits de marins prouvent la dureté des éléments. Nous leur avons également demandé quels étaient leurs meilleurs moments.
Chloé Le Bars (EndoBreizh) : « Mon pire moment a été sur le bord de spi pour aller en Angleterre. Je n’avais jamais connu des conditions pareilles, surtout la mer. Autant le vent ça allait mais la mer était infernale. J’ai eu super peur. J’ai affalé le spi et j’ai terminé ce bord avec le foc. Je me suis fait embarquer par une déferlante qui a choppé le bateau par le travers. Elle a explosé sur le bateau, je me suis retrouvée par terre et heureusement j’étais accrochée. Le sens marin a parlé et j’ai mis la compétition entre parenthèse sur la fin de ce bord. J’ai trouvé ça très dur et très violent. Le meilleur, c’est cette arrivée à Gijon. J’étais trop contente de cette chance que j’ai eu avec cette risée qui ne s’arrêtait pas pour nous.»
Jules Delpech (ORCOM) : « J’ai pris une grosse algue, je n'arrivais pas à m'en défaire. Je faisais des marches arrière, je perdais 500 mètres et des places. Elle a fini par partir un peu toute seule. Et puis après, j’ai fait des tours avec mon gennaker qui s’était emmêlé avec la drisse de spi, je ne sais pas ce qui s'est passé. J'ai failli monter dans le mât, mais finalement j’ai réussi à dérouler. J'ai fait du près avec mon gennaker, qui battait le long du mât pendant un petit moment. Et finalement, je l'ai renvoyé, redéroulé et tout s'est défait comme par magie ».
Martin Le Pape (DEMAIN) : « Mon pire moment a été quand j’ai vu que c’était mort pour le podium. C’était mon but pour la dernière étape mais les gars devant ont fait une incroyable course. Je n’ai pas de regret par rapport à ça mais je n’étais pas au niveau. En revanche mon meilleur moment a été sur la deuxième étape quand je me suis rendu compte que c’était la rentrée scolaire et que je faisais un métier de dingue.
Gaston Morvan (Région Bretagne - CMB Performance) : « Mon meilleur moment est très certainement ce bord de portant en arrivant sur la marque de Portland Bill avec cet empannage. Ça marchait fort et surtout bord à bord avec les copains. Il y a ce moment aussi où je suis en haut du mât, vent de travers, au coucher de soleil et cette satisfaction d’avoir réussi la mission. Les pires moments sont les galères techniques du bateau. Il y en a eu pas mal. Le moment où le pilote ne fonctionne plus sur le bord entre Sisargas et Royan lors de la deuxième étape. »
Quentin Vlamynck (Les Étoiles Filantes) : « J’ai pas mal de mauvais moments mais le pire ça a été la déchirure de mon petit spi. Il me restait 30 milles à faire avec. Avec la fatigue je n’ai pas été assez rapide dans cette manœuvre. C’est la première fois que ça m’arrive, je n’ai pas eu les bons réflexes. Il était en train de tomber, je n’ai pas pu enclencher le pilote, le spi a été aspiré sous le bateau. Ça a été un enfer pour le récupérer. Il a fallu que j’arrive à m’arrêter à descendre le J2 sans le déchirer aussi. Les bateaux me doublaient, c’était difficile. Je voulais empanner pour coucher le bateau et ramener le spi, mais une fois le J2 affalé, j’ai pu descendre la drisse et récupérer le spi qui était dans l’eau derrière. Je me suis vu plonger pour chercher le spi sous la quille, mais finalement, j’ai réussi à tout remonter. En revanche, mon meilleur moment a été cette arrivée à Royan où j’étais seul sur le plan d’eau, c’était magique. »
Thomas De Dinechin (Almond) : « Mon meilleur moment est très certainement l’arrivée à Gijón. Je suis alors en tête, mais bon malheureusement, avec le stress, je fais quelques erreurs qui me font perdre quelques places. Ce sentiment était juste fou. J’ai très envie de le revivre. En revanche, le plus mauvais moment a très certainement été ce passage en Manche quand j’ai été obligé de forcer le passage devant les bateaux militaires. Je n’étais pas du tout manœuvrant, je ne pouvais ni abattre, ni trop lofer. Je pense que le premier bateau de guerre a légèrement ralenti. J’avais les jambes qui tremblaient, c’était terrible. Ce moment a été hyper stressant. Je ne les avais pas à l’AIS. »