Cet après-midi, le long de côtes vendéennes sous un grand soleil, les skippers croisés sur le plan d’eau ne cachent pas leur impatience d’en finir avec une éprouvante ultime étape. Sur les eaux du golfe de Gascogne, un vent de nord-ouest qui fait la girouette en force et direction - basculant dans un sens ou un autre, passant de 12 à 7 nœuds sans crier gare -, donne le tempo d’une « der des ders » qui tape sur les nerfs.
Dans ces conditions aussi instables, difficile de garder son sang-froid et les idées claires face aux nombreux enjeux qui se trament en direction de Piriac-sur-Mer : tant pour la victoire d’étape, que pour l’ordre du podium au classement général.
© Alexis Courcoux
Bien placé sur le plan d’eau, l’Irlandais Tom Dolan (Smurfit Kappa-Kingspan) - en 6e position par rapport au leader du jour Benoît Tuduri (CAPSO en Caval) - décrit bien l’ambiance : « le vent n’arrête pas de bouger. Je ne te raconte même pas là , ça passe entre 7 et 12 nœuds, avec des réglages qui n’ont rien à voir. Cela prend de la gauche, ça prend de la droite. Le pilote n’y comprend plus rien. C’est du taf ! J’ai chopé la météo du sémaphore. À priori, je suis du bon côté pour la prochaine bascule. C’est plutôt motivant. » Et le plus concarnois des Irlandais d’ajouter en substance : « sur une étape du Figaro, on se fait mal pendant quatre jours, on arrive tous groupés au même endroit. Et on jette les dés… Incha’Allah ! » À ce petit jeu, les dix premiers, qui se tiennent à 17h en moins de 7 milles, restent bien placés pour tirer les bonnes risées ; et mériter de finir en beauté ce dernier round à l’issue incertaine.
D’autant plus que dans ce groupe des dix figurent les plus solides prétendants pour les places d’honneur et au graal de cette 54e édition d’une course fidèle - en tout point, et de bout en bout -, à sa réputation. Basile Bourgnon (Edenred), Corentin Horeau (Banque Populaire) et Loi Berrehar (Skipper Macif 2022) se tiennent en respect en moins de deux milles par rapport au but. En approche du dénouement, ils sont sur le pont, à la barre ou aux réglages : « à fond, à fond jusqu’au bout », dixit le deuxième ; avec la ferme intention « tirer les bons bords, et de faire mieux que les autres, » ajoute le troisième. Reste que si tous trois jouent leur dernière partition sans fausse note, Éole, dernier juge arbitre de ce 3e acte, reste indéniablement le maître de cérémonie d’un grand final au suspense garanti…
Les mots à la VHF :
Corentin Horeau (Banque Populaire), joint à 13h45 : “ Le vent fait n’importe quoi. C’est incompréhensible. Un coup, tu es bien ; dix minutes après, ça repart dans l’autre sens. C’est, gavant, gavant ! Par rapport au classement général, c’était pas mal jusqu’à maintenant ; mais là, il y a Macif (Loïs Berrehar) qui se barre dans la molle. Après, j’ai été un peu surpris par CAPSO en Cavale (Benoît Tuduri), je ne sais pas d’où il est sorti cette nuit. Par rapport au général, il faut que je sois le plus proche de Macif en termes de temps, et que je mette un petit matelas à Edenred (Basile Bourgnon). Pour l’instant, je n’y pense pas trop, mais j’essaye de faire en conséquence. Déjà la première nuit, j’étais bien, mais j’ai dû plonger trois fois. Cela ne m'était jamais arrivé de plonger en régate. Et ben là, trois fois d’un coup ! Cela ne m’a pas mis dans les meilleures dispositions. J’essaye de naviguer du mieux possible. Mais ne pas savoir ce que va faire le vent, c'est hyper dur. Il reste moins de 24 heures, je vais tout faire pour aller chercher la victoire. Il faut rester concentré. J’ai bien mangé, bien dormi les deux nuits dernières. Je suis d'attaque pour la fin. Il reste 70 milles jusqu’à Capella (marque dans le sud-ouest de la pointe du Croisic). Là, c’est à fond, à fond jusqu’au bout.”
Loïs Berrehar (Skipper Macif 2022), joint à 14h : “J’aimerais être plus devant. Mais il faut rester concentré, il se passe beaucoup de choses sur le plan d’eau. Et rester opportuniste. Mon positionnement me convient plutôt bien. Je ne suis pas si mal pour attaquer la fin. La stratégie vis-à-vis du podium ? Pour moi, c’est faire devant les deux autres, forcément. Mais sinon je n’ai pas de stratégie particulière, j’essaye de tirer les bons bords, et de faire mieux que les autres. C’est sûr qu’on en saura plus à la dernière bouée. Mais j’ai compris qu’on allait avoir des conditions de vent très faibles. J’espère que cela ne sera pas trop faible. Il faut garder la tête froide, et garder de l’énergie pour la fin. Parce qu’on l’a bien vu sur l’étape précédente, c’est là que tout peut se jouer. Étonnamment, à J+3, je suis plutôt en forme. Je pense qu’on devrait arriver cette nuit sur la presqu’île guérandaise, si tout va bien.”