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Publie le 18/12/2020
Il a participé à 19 éditions de La Solitaire du Figaro et en a remporté 3. Yann Eliès est plus qu’un habitué de la grande classique monotype. Mais le marin costarmoricain s’est également élancé à deux reprises sur le Vendée Globe et a notamment terminé 5e de la dernière édition. Autant dire qu’il fait partie de ceux qui connaissent ces deux épreuves si différentes mais si proches, sur le bout des doigts. Un mois après le départ de l’édition 2020 du tour du monde en solitaire, Yann détaille ce qui rend La Solitaire du Figaro si essentielle dans la préparation et la réussite d’un Vendée Globe.
Yann, tu comptes 19 participations à La Solitaire du Figaro, dont 3 victorieuses, et tu t’es déjà aligné deux fois au départ du Vendée Globe. Considères-tu que ce passif fort sur l’épreuve monotype t’a aidé à prendre part au tour du monde ?
« C’est évident et c’est particulièrement vrai pour ce qui concerne la prise de décision de la part d’un sponsor d’aller faire le Vendée Globe. Il faut d’abord avoir une relation forte avec son partenaire et à chaque fois c’est sur La Solitaire du Figaro que j’ai débuté cette histoire. Les résultats venant évidemment aider à basculer sur un plus gros projet. On m’a toujours dit et particulièrement mon père (ndlr : Patrick Eliès a participé 10 fois La Solitaire du Figaro et l’a remporté une fois) : « Passe ta Solitaire et après tout sera possible ». Pour bien se préparer au Vendée Globe, il faut en passer par cette épreuve. Je trouve que c’est encore plus vrai sur le tour du monde cette année. On voit que des marins qui ne jouent pas la gagne s’en sortent vraiment très bien et livrent une très belle course. Ces marins justement sont passés par La Solitaire. Je pense notamment à Benjamin Dutreux qui démontre de très belles choses à tous les niveaux. Il dispute son premier Vendée Globe avec des moyens modestes mais je suis sûr qu’il y reviendra avec un projet sportivement gagnant ».
Une expérience sur La Solitaire du Figaro serait donc indispensable pour aborder un Vendée Globe dans de bonnes conditions ?
« Sportivement et en termes de choix d’engagement pour un sponsor, c’est sûr. Plus encore, aujourd’hui, j’estime avoir peu de chances de trouver un partenaire pour faire le Vendée Globe qui n’aurait pas d’expérience voile. Le mieux pour nous deux est de démarrer par La Solitaire. C’est l’entrée en matière idéale pour tout le monde ».
Tu as enrichi ton expérience maritime au sein de nombreux projets et défis ces dernières années, qu’il s’agisse du Vendée Globe ou du Trophée Jules Verne en particulier. Pour autant, tu reviens régulièrement sur La Solitaire du Figaro. Pourquoi ?
« A chaque fois, y revenir est une remise en question et une remise à niveau sportive. Je peux partir faire le Vendée Globe, le Trophée Jules Verne, mais La Solitaire du Figaro me permet de savoir où j’en suis. Cette course est mon maître étalon ! Les gros projets te font progresser dans pleins de domaines mais sportivement tu dépéris un peu parce que tu ne navigues pas assez. L’idéal est donc de revenir au Figaro quand tu en as la possibilité. C’est ce qu’a fait Armel (Le Cléac’h) cette année et d’une très belle manière. C’est aussi la marque des grands champions que de revenir se mettre un peu en danger sur ce circuit exigeant. Et puis, il y a aussi le plaisir d’y revenir, de toucher du doigt la victoire, de ressentir et partager ces émotions incroyables… et cette ambiance « familiale » liée au fait d’être au contact avec de jeunes marins qui arrivent. J’ai notamment ressenti ça avec Robin Folin et Tom Laperche sur cette édition 2020 ».
On a souvent le sentiment que le Vendée Globe est une aussi régate au contact. Est-ce lié justement au profil « figariste » de nombre de concurrents ?
« C’est généralement le cas sur la descente de l’Atlantique. C’est vrai que le fait d’avoir fait ses armes sur La Solitaire du Figaro facilite les choses en termes de prise de rythme et dans la gestion d’une course qui devient de plus en plus intense. Chaque marin qui fait le Vendée Globe rêve d’un Figaro planétaire. Sur un Vendée Globe, quand tu as 40 minutes pour dormir, c’est presque facile. L’expérience monotype fait que tu connais mieux tes limites, tu sais quand il faut pousser plus loin l’engagement. Mais c’est aussi parfois un peu frustrant parce que justement tu n’es pas au contact en permanence, tu n’es pas là à scruter tes concurrents sur l’AIS ! Mais une chose est sûre, La Solitaire du Figaro te prépare au Vendée Globe ».
Rentre-t-on de la même manière dans un Vendée Globe et dans une Solitaire ?
« Idéalement il le faudrait mais on l’a bien vu le 8 novembre dernier, ce ne sont pas les mêmes enjeux, surtout sur l’humain. Sur un Vendée Globe, tu pars pour plus de 80 jours, seul autour du monde. »
Qu’est-ce qui est ou peut-être similaire sur un Vendée et une Solitaire ?
« L’aspect le plus proche entre ces deux courses c’est l’aspect sportif. Les retours d’expérience d’un point de vue sportif sont proches et on voit que ceux qui ont déjà participé à La Solitaire arrivent rapidement à se mettre dans la course. Dès le départ, on a pu observer les skippers qui était déjà à l’attaque dès les premiers milles, comme sur une Solitaire. »
A part le format, qu’est-ce qui diffère majoritairement dans ces deux épreuves extrêmes ?
« La grosse différence c’est le temps. Tout est beaucoup plus long : le temps de course, le temps de préparation, que le projet soit petit ou très grand, les échelles de temps sont beaucoup plus longues. C’est d’ailleurs maintenant que les skippers vont commencer à ressentir la fatigue et le stress. Pile au moment où l’on rentre dans le dur ! »
Pour toi, laquelle de ces deux épreuves est la plus difficile ?
« Le Vendée Globe ! C’est un long chemin intérieur qui s’impose à toi par la durée ».
Jean Le Cam et toi êtes aussi titrés l’un que l’autre sur La Solitaire du Figaro (3 victoires au général, 10 victoires d’étape), que penses-tu de son début de course et de sa stratégie sur l’eau ?
« On retrouve le Roi Jean ! Quand j’ai démarré en Figaro en 1997, j’étais déjà subjugué par cette maîtrise innée. Ça vient des tripes, de ce qu’il ressent sur l’eau, de la connaissance qu’il a de son bateau. Depuis le départ de ce Vendée Globe, il livre une trajectoire intelligente pour son bateau et son physique. C’est Jean Le Cam ! ».