Actualités
Publie le 05/02/2021
Marin emblématique par excellence, Loïck Peyron a noué, ces dernières années, une histoire forte avec le Vendée Globe et avec La Solitaire du Figaro. Engagé sur la première édition du tour du monde en solitaire qu’il achèvera en deuxième position, il a incontestablement marqué l’épreuve océanique, s’y alignant à trois reprises au total. En tant que touche à tout de talent, le navigateur baulois affiche également depuis toujours un attachement particulier à l’épreuve monotype. Quatrième en 1986, vainqueur d’une étape cette même année, il entretient avec La Solitaire du Figaro une relation ininterrompue, n’hésitant pas à y revenir régulièrement et notamment à l’arrivée de chaque nouvelle monture… pour y retrouver des sensations uniques et se confronter à celle qu’il qualifie de « plus belle des écoles ». Quelques jours après le dénouement de ce Vendée Globe 2020, Loïck Peyron analyse avec enthousiasme et passion ce qui rapproche ces deux courses fondatrices.
Tous les vainqueurs du Vendée Globe, sauf Titouan Lamazou, viennent du circuit Figaro Bénéteau. Excepté François Gabart, Vincent Riou et Titouan Lamazou, tous les vainqueurs ont déjà remporté La Solitaire, comment l’expliques-tu ?
« Ce n’est même pas une surprise, la statistique est inévitablement aidée par la réalité et la présence de ces marins qui, dans leur parcours et leur apprentissage passent, pour la grande majorité, par La Solitaire sans pour autant avoir l’idée de faire un jour le Vendée Globe. D’ailleurs, dans les années 80, à l’époque où je participais à La Solitaire du Figaro, le Vendée Globe n’existait pas encore mais les courses en solitaire au large existaient déjà. Tous les marins n’ont pas fait La Solitaire, mais toutes les générations, depuis les années 80, y passent.
Pourquoi ça peut aider à gagner un Vendée Globe ? Déjà parce que naviguer aide à gagner des courses et La Solitaire en fait partie. C’est une des plus belles écoles de voile au sens le plus noble du terme. C’est un combat permanent qui se répète tous les ans ; il y de vrais stakhanovistes qui y participent.
Aujourd’hui, ce n’est pas indispensable, c’est inévitable. La statistique va faire en sorte que tous les vainqueurs de transat ou de tour du monde en solitaire seront, à un moment donné, passés par la case Figaro, de manière assidue ou pas, épisodique ou non. »
En 1986, tu termines quatrième de La Solitaire, trois ans après (et après deux participations) tu termines le Tour du Monde en deuxième position. En quoi La Solitaire t’a aidé à prendre cette place sur un tour du monde ?
« On affute beaucoup plus ses armes de régatier et de précision sur La Solitaire du Figaro, chaque détail et chaque mètre comptent, le rythme n’est pas le même. Lors de ma première Solitaire, j’étais sur un rythme transat car je venais de terminer la Mini-Transat. J’étais complètement largué ! La Solitaire c’est un sprint sur une distance quasi-marathon.
La Solitaire du Figaro aide à parfaire une culture générale en perpétuelle évolution et c’est pour ça, et toujours avec plaisir, que je reviens épisodiquement sur le circuit. A chaque fois, on refait des gammes extrêmement précises. C’est la plus belle des écoles ! On se bagarre, on parfait une technique qu’on croit maitriser mais ce n’est évidemment jamais le cas.
Dans mon expérience, si je n’avais fait que deux fois La Solitaire avant de prendre le départ du Vendée Globe, je ne pense pas que ça m’aurait beaucoup aidé. Entre temps, j’étais extrêmement occupé sur l’eau, je traversais deux voire trois fois l’Atlantique chaque année, en monocoque, en multicoque, en solitaire, en équipage… C’est d’ailleurs pour cette raison que je n’ai pas fait La Solitaire du Figaro tous les ans. »
Tu as couru la première édition en Figaro 1 et tu aimes revenir quand La Solitaire du Figaro change de support (2003, 2019). Cela signifie que tu n’aimes pas ce qui fait l’essence de La Solitaire, la monotypie ?
« C’est tout le contraire ! C’est justement parce que j’adore la monotypie et j’ai la sensation que c’est la première année qu’on fait vraiment de la monotypie, ce qui est moins vrai les années suivantes. C’est beaucoup plus intéressant d’arriver avec un œil neuf quand on est tous en train de découvrir le support. Quand les spécialistes ont le temps d’apprivoiser le bateau pendant des années, on n’est plus vraiment à armes égales. »
Quelques mois après l’arrivée du Vendée Globe, tu participes à nouveau à La Solitaire du Figaro, pourquoi ?
« Le Figaro 1 venait d’arriver sur le circuit et puis, à cette époque, rien ne m’arrêtait, on avait un rythme soutenu. Et on avait aussi la chance d’avoir des partenaires qui nous suivaient et qu’on arrivait à convaincre d’être présents sur des circuits différents. En 1990, avec mon sponsor, on termine le Vendée Globe, on enchaîne avec La Solitaire puis la Route du Rhum. La Solitaire était importante évidemment mais heureusement que j’ai eu la chance de naviguer sur plusieurs autres supports en même temps. »
Qu’est-ce qui est ou peut-être similaire sur un Vendée Globe et une Solitaire ?
« Être en solitaire est la similarité la plus évidente.
La vraie différence, entre un Vendée Globe et une Solitaire ou n’importe quelle épreuve en solitaire, c’est qu’on est quand même autour du monde. C’est plus long, le rythme n’a rien à voir, il y a des moments où l’on peut appliquer des recettes de figaristes mais pas à la lettre non plus. Le paradoxe c’est qu’il n’y a pas beaucoup de parallèles. Le rythme d’une Solitaire est assez délirant, on est en visuel permanent avec la concurrence ce qui rarement le cas sur un Vendée Globe. Pour ceux qui découvrent le large ou un tour du monde, ce qui était mon cas, c’est vraiment une aventure différente. Le point commun c’est d’être tout seul mais ce n’est pas la même manière d’être tout seul. Être tout seul pendant trois jours entouré de concurrents visuellement repérables et comparables n’a rien à voir avec le fait de se bagarrer seulement contre soi-même. Comme il n’y a pas de comparatif visuel, le fait d’aller plus ou moins vite, d’apprendre à régler pour se sentir bien, c’est un vrai travail interne passionnant et qui sert beaucoup. Les Vendée Globe et autres courses servent beaucoup les éventuels figaristes aussi, c‘est dans les deux sens que ça se passe. Les deux courses se servent ! »
Et à part ce que tu viens d’évoquer, qu’est ce qui diffère majoritairement dans ces deux épreuves extrêmes ?
« Le sommeil est l’arme la plus importante en solitaire. Dans n’importe quelle course en solo, l’erreur c’est de se mettre dans le rouge en termes de sommeil. Sur trois jours c’est gérable. C’est dangereux sur trois mois. L’expérience du figariste est intéressante car il apprend très jeune, très vite et tous les ans, la faculté d’endormissement rapide. On connait les moments où il faut dormir pour que ça ne soit pas dommageable pour la vitesse et la sécurité. La Solitaire du Figaro est une belle école du sommeil. C’est le meilleur endroit pour apprendre à dormir… enfin à peu dormir ! On y apprend surtout à dormir au bon moment, de la bonne manière et au bon endroit ! »
No tags were found