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Le couperet irlandais

Publie le 07/06/2019

Cette première étape entre Nantes et Kinsale a établi une première hiérarchie au sein de laquelle certains favoris ont été sévèrement sanctionnés. Car derrière Yoann Richomme, grand vainqueur de ce marathon de plus de quatre jours, la flotte s’étire avec quelques surprises et surtout des écarts de plusieurs heures qui pourraient plomber les espoirs de certains…

Yoann Richomme, Tom Laperche, Pierre Leboucher : voilà le trio vainqueur de cette première étape de Nantes à Kinsale (Irlande). Qui aurait misé sur ce scénario ? Qui aurait anticipé un tel capharnaüm à quelques dizaines de milles du Fastnet ? Qui aurait pensé que les écarts entre le premier et le dix-neuvième allait dépasser les trois heures ? Cela n’enlève rien à la superbe prestation des premiers, car passer quatre jours et quatre nuits à se faire secouer comme un prunier à l’automne n’est pas une sinécure.

Juste, il fallait ne pas se laisser influencer par les multirécidivistes de La Solitaire URGO Le Figaro. Juste, il fallait comprendre que mener le train à mi-parcours n’est pas suffisant pour scorer. Juste, il fallait avoir ce sens inné de la confiance en soi. Juste, il fallait se référer à ses voisins et oublier ce que d’autres pouvaient (peut-être) faire.

L’impasse du large

Cette cinquantième édition démontre ainsi dès son entame que les habitudes acquises sur le Figaro Bénéteau 2 n’ont probablement plus lieu d’être, que le panurgisme n’est plus une certitude, que la stratégie à long terme est un fondamental et que la tactique au contact une nécessité.

Les résultats à plus de trois heures du leader, de Morgan Lagravière (Voile d’Engagement, 19ème), de Yann Éliès (St Michel, 22ème), de Xavier Macaire (Groupe Snef, 23ème), de Pierre Quiroga (Skipper Macif 2017, 24ème), de Jérémie Béyou (Charal, 26ème), de Thomas Ruyant (Advens-Fondation de la mer, 29ème), d’Anthony Marchand (Groupe Royer-Secours Populaire, 31ème), de Fabien Delahaye (Loubsol, 32ème), de Gildas Mahé (Breizh Cola Equi’Thé, 34ème), de Tanguy Le Turquais (Quéguiner-Kayak, 42ème), montrent que La Solitaire est une course sans pitié.

Pour la plupart, ils ont perduré dans leur option Ouest, croyant dur comme fer que la brise reviendrait confirmer leur leadership acquis à la sortie du DST Ouessant. Ils avaient juste tort d’avoir raison ! Ce final à cinquante milles du phare du Fastnet les a totalement plombés : une fois enferré dans une impasse sans carburant, long est le chemin pour en sortir. La voie royale était seulement une cinquantaine de milles plus à l’Est : le fait d’avoir cherché à grappiller du terrain dans l’Ouest en profitant de chaque bascule, était sur le papier une bonne idée. Mais ces « escaliers » au large ne menait qu’à une zone de grains alternant calmes et rafales, bascules et retours, coup de frein et d’accélérateur quand plus à l’Est, la brise se montrait plus stable et plus tranquille.

Changer de logiciel

À Kinsale, cette première manche est une étape-sanction : tous ceux qui comptent plus d’une heure de retard sur le grand vainqueur irlandais, Yoann Richomme (HelloWork-Groupe Télégramme), semblent avoir attrapé le bacille de la dépression, du doute, et en même temps la certitude que reprendre un tel écart ne s’est pas vu depuis des lustres. Or si ces schémas étaient encore viables avec les deux premiers monotypes, le Figaro Bénéteau 3 semble offrir plus d’opportunités pour se refaire. Il faut juste changer de logiciel !

Car le film de cette première confrontation démontre que rien n’est jamais acquis sur ce support et sur ce type de parcours entre côtier et grand large. Encaisser dix heures de retard, c’est aussi suggérer qu’on peut reprendre ces dix heures… Surtout qu’il reste trois étapes et bien des ouvertures. Avec la manche à suivre qui cumule plus de 600 milles vers Roscoff via l’île de Man, avec peu de vent au coup de canon et du portant musclé pour finir (d’après les fichiers météo à cinq jours). Avec deux étapes finales pleine de phases de transition, de passages de pointes et de raz, de courants de marée et de brises thermiques à géométrie variable.

Et les superbes scores des « The revenant » tels Loïck Peyron (Action Enfance, 6ème), Michel Desjoyeaux (Lumibird, 8ème), Alain Gautier (Merci pour ces trente ans, 13ème), sans compter le retour spectaculaire d’Armel Le Cléac’h (Banque Populaire, 11ème) après une entame fort laborieuse, prouvent que les valeurs actuelles sont un mix de modernité et de tradition…

À noter que Gildas Morvan (Niji) qui a violemment touché une roche à l’île d’Yeu a déclaré son abandon pour la deuxième étape au moins, son bateau étant trop abîmé, alors que Cassandre Blandin (Klaxoon-C) rejoindra l’épreuve à Roscoff pour la troisième étape, le temps de réparer son bout dehors explosé par un abordage de cargo. Enfin, Clarisse Crémer (Éverial) a pris une pénalité de trente minutes pour plomb de moteur cassé, ce qui lui fait perdre une place au classement général provisoire (38ème).

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