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Publie le 05/03/2021
Jean Le Cam compte 16 participations à La Solitaire du Figaro. Sa première c’était en 1978, à l’aube de ses 20 ans, alors que la course ne se jouait pas encore à armes égales, prototypes et bateaux de série s’affrontaient. Celui qui n’avait pas encore gagné ses galons de « Roi Jean » a marqué l’épopée du Figaro Bénéteau 1, montant 7 fois sur le podium en 12 années de bons et loyaux services du bateau. S’il aime manifestement la monotypie, il a prouvé qu’il était avant tout un excellent marin, terminant 4e au général du Vendée Globe 2020. Ex-aequo avec Yann Eliès, Jean Le Cam peut s’enorgueillir d’avoir le plus beau palmarès de l’histoire de La Solitaire du Figaro avec 3 victoires au général et 10 victoires d’étape. Rencontre avec un marin d’exception qui a forgé sa légende sur cette classique de la course au large française.
On a parfois eu l’impression que ce Vendée Globe 2020 était une régate au contact comme sur La Solitaire : réalité ou fausse impression ?
« Non ça n’a rien à voir avec La Solitaire du Figaro, il y a déjà une différence dans les bateaux, on ne peut pas comparer un Vendée Globe et une Solitaire du Figaro. La seule constante c’est que ces deux courses se courent sur des bateaux à voile et en solitaire.
La Solitaire du Figaro ce sont des bateaux identiques, à armes égales, tu es plus dans la compétition alors que sur le Vendée Globe tu as des bateaux qui vont à 3 nœuds de plus à un moment. C’est différent ! »
Tu as enchainé les participations sur La Solitaire du Figaro entre 1990 et 1999 ainsi que sur le Vendée Globe depuis 2004. Cela signifie-t-il que quand tu commences sur un support, il t’est difficile de le lâcher ?
« Ça c’est sûr que j’ai des périodes ! Entre les deux, il y a eu l’ORMA avec Bonduelle, ça a dû durer 4 ans. De là, on est passé en IMOCA. J’ai des périodes : Figaro, Vendée Globe, Multicoque… c’est sûr ! »
Ou alors que tu ne veux pas le quitter avant d’avoir remporté la course ?
« Non, parce qu’on sait que pour gagner le Vendée Globe, ce sera encore plus vrai dans le futur, les bateaux comptent et seront surement extraordinaires. Je ne fais pas le Vendée Globe pour forcément arriver premier, ce n’est pas ça le moteur. Après, cette année c’est différent, normalement je ne pouvais pas gagner et au final ça aurait peut-être pu le faire mais avant le départ on savait qu’avec notre bateau, un ancien bateau, on finirait dans les 10. On s’attendait surtout à ce que les nouveaux bateaux aillent beaucoup plus vite. »
Tu es le héros de ce Vendée Globe avec le sauvetage de Kevin, tu as un souvenir identique sur une des solitaires à laquelle tu as participé ?
« Il y a eu Alain Gautier a une époque où je participais qui était tombé à l’eau et récupéré par Nicolas Béranger. Ce n’était pas exactement pareil mais il y a eu aussi des bateaux sur les cailloux, Bruno Jourdren en Irlande par exemple. Des incidents comme ça il y en a toujours sur La Solitaire. Déjà, parce que c’est en Atlantique donc les secours sont beaucoup plus rapides, ce n’est pas forcément un coureur qui va récupérer un autre coureur. Alors que sur le Vendée Globe on est dans des zones où il n’y a pas de bateaux, on est plus loin des côtes, c’est forcément différent.
Quand j’avais cassé mon safran près du Fastnet en 1979, sur un de mes premiers Figaro, le 2e ou le 3e peut-être, j’avais été récupéré par Wild Rocket d’Yvon Fauconnier. Cette année-là, c’était Patrick Eliès qui avait remporté la course. Il n’y a eu que 3 étapes, il a remporté les 3. Et donc après on avait été récupéré le bateau, laissé au vent de Ouessant. »
On parle de La Solitaire comme classe préparatoire du Vendée Globe, es-tu d’accord ?
« Il y a une certaine population du Figaro qui participe au Vendée Globe, ça c’est sûr. Maintenant ce n’est pas non plus le passage obligé, il y a des horizons différents. Kevin (ndlr Escoffier) vient de la Volvo Ocean Race, une course en équipages plutôt qu’en solitaire, qu’il n’a jamais fait. Alex Thomson (Hugo Boss) n’y a jamais participé non plus. Tu as des gens qui viennent de la Mini-Transat aussi, il y a pleins d’horizons différents en fait.
Après La Solitaire du Figaro donne un côté compétitif évident. Quelqu’un qui fait dans le top 10 sur La Solitaire, c’est forcément un compétiteur, comme Benjamin Dutreux qui fait 5e. C’est aussi ce qui fait une population assez différente sur le Vendée Globe. »
Tu as participé à La Solitaire du Figaro pour la 1re fois en 1978, réalisé ton premier podium en 1985, remporté les éditions 1994, 1996, 1999, qu’est-ce que t’inspire La Solitaire en repensant à ce palmarès ?
« Ça m’inspire que j’ai commencé à gagner La Solitaire quand c’est passé en monotype ! Je n’ai jamais été doué pour trouver des financements donc à cette époque quand tu n’avais pas les 3 bateaux de tête - qu’on appelait les McLaren - qui allaient plus vite que les autres, tu pouvais toujours faire ce que tu voulais… donc moi j’étais plus en bateau de série ou proto de seconde main donc j’arrivais toujours après la bagarre ! »
A ton avis, c’est quoi le petit truc en plus de cette course ?
« C’est un niveau de compétition élevé puisque les bateaux sont identiques. La différence se fait sur le coureur, sur la stratégie… Après il y a toujours un facteur chance, comme dans toutes les courses mais au moins tu gommes le facteur « différence de moyen » pour accéder à un bateau. Le sport est mis en valeur ! Et aussi, tu restes 3 ou 4 jours en mer, c’est la limite où l’être humain peut rester éveillé donc c’est ce qui rend cette course difficile. »
C’est important la monotypie sur La Solitaire ?
« La monotypie c’est fondamental au même titre que l’accessibilité, l’investissement qui perdure dans le temps. Aujourd’hui, tu achètes un Figaro tu sais qu’il sera compétitif pendant 10 ans, donc ça ouvre la possibilité aux jeunes de courir dans cette classe. »