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Publie le 25/06/2019
En bordure orageuse, la flotte des solitaires s’adapte en permanence à un flux de secteur Ouest plutôt variable pour traverser une dernière fois une Manche retroussée. Un goût de madeleine proustien qui pourrait remettre en cause cette recherche du temps perdu… Eric Péron mène toujours le train mais Yoann Richomme est sur ses basques.
Alors que la brise s’est décalée vers le Nord à l’occasion d’une rotation orageuse nocturne, la flotte des 46 Figaro Bénéteau 3 partie de la baie de Morlaix samedi dernier entame bientôt sa troisième journée de mer de cette ultime étape de la cinquantième Solitaire URGO Le Figaro, sous les auspices bienfaisants d’une aurore pastellisée par le pinceau d’un Eugène Boudin, l’impressionniste qui, à l’ombre des jeunes filles d’Honfleur, favorisa cette révolution artistique que le maître anglais Turner reprit avec tant de talent et de succès en ce 19e siècle mâture, mais a-t-on encore l’esprit à divaguer sur les vaguelettes qui rident de nouveau cette grisâtre surface que le jusant comprime en clapotis désordonné et que le ferry venu de l’Hexagone en route vers la Perfide Albion transperce sans état d’âme pour livrer en temps et en heure sa cargaison de fret et de véhicules divers chargés de tant de gens en quête de paysages verdoyants par cette époque de rupture consensuelle entre une grande confédération et une nation fière de son passé riche et varié, et tournée vers l’avenir, alors qu’il faut sur l’onde océane balançant le rythme lancinant qui résonne aux oreilles des navigateurs attentifs à la moindre variation et vigilants quant au ciel bardé de sombres présages sous ses banderilles anthracites qui strient ce couvercle pommelé de tâches noirâtres qu’un Soulage n’aurait point renié, même si le panache de souffre et d’or noir caramélisé par la surchauffe d’une trajectoire parabolique consécutive d’un écart de route à l’observation de cette concentration de yachts débordant des couleurs intenses de voiles propulsives et de carènes bariolées par les logotypes de leurs partenaires, cent fois sur le métier remettre son ouvrage pour que, de la ligne spectrale du septentrion jusqu’aux tréfonds des ombres méridionales, la meute des marins meurtris par tant de souffrance rentrée et d’efforts contenus, les paupières cernées de sel et de sommeil, l’œil éclairé par l’intense désir d’en finir une bonne fois pour toute, le corps courbé par les ans et les heures de barre et de réglages à genoux pour visualiser la chute d’un spinnaker frétillant sous les assauts vibrionnant des molécules retrouvant leur mouvement perpétuel que le temps avait suspendu en vol, se débat encore et encore pour tenter de déstabiliser le meneur de jeu, qui depuis Nantes, a démontré une aisance peu commune pour survoler les débats et repousser les attaques les plus percutantes de cette cohorte de cavaliers qui adaptent leur étendards au gré des bascules éoliennes qui parsèment cette longue et fastidieuse traversée d’une Manche déjà rayée moult fois d’une traînée de sillages aussi fins qu’une épée de Damoclès pendant au-dessus du leader encore contesté à la recherche du temps perdu lors d’une troisième étape à rebondissements multiples. Il ne reste plus à Yoann Richomme qu’à assurer.